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Des expéditions pour établir les inventaires de l'entomofaune
L'inventaire des insectes et autres Arthropodes de La Réunion est loin d'être fait. Cela tient beaucoup aux difficultés de terrain, au peu de scientifiques formés et motivés et à la mauvaise réputation que l'on attribue aux insectes, d'une manière générale. En dehors des sites accessibles en voiture et de ceux qui se parcourent facilement en une journée, les autres demandent une logistique et une assistance technique, du personnel entraîné et sportif pour transporter les réserves d'eau, de nourriture, les tentes et tout le matériel entomologique.
La première expédition, qui fut d'importance, a été réalisée en 1955 dans le cadre d'une mission franco-mauritienne, dans laquelle on comptait plusieurs chercheurs du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, dont M. Pierre Viette spécialiste des Lépidoptères. En 1957 paraissait un document de base qui présentait l'ensemble des découvertes faites lors de cette mission (Mémoires de l'Institut Scientifique de Madagascar, Série E, Tome VIII, 1957). Cet ouvrage spécialement consacré à l'île de La Réunion, est devenu la référence de tous les entomologistes.
Depuis cette date, il n'y a jamais eu d'autres expéditions de cette sorte. Il faut attendre 1988 pour voir se constituer des missions locales, certes plus modestes, mais très bien équipées, qui ont oeuvrées dans des zones inaccessibles grâce à la complicité des uns et à la générosité des autres. Elles sont à l'origine de nombreuses découvertes et ont permis de faire le point en bien des domaines : papillons diurnes et nocturnes, insectes aquatiques des rivières pérennes (Trichoptères : Marlier et Marlier), fourmis, termites (Professeur Christian Bordereau du CNRS de Dijon), insectes cavernicoles, etc.
Parmi ces découvertes, il faut signaler :
    - Près de 200 espèces de papillons nocturnes, non encore répertoriés à La Réunion mais vivant aussi ailleurs, une quarantaine de nouvelles espèces endémiques de La Réunion (M. Guillermet Christian en collaboration avec M. Pierre Viette).
    - Des Arthropodes cavernicoles nouveaux pour La Réunion, dont 4 araignées (M. Ledoux), 1 Cicadèle (M. Jacques Bonfils et Serge Quilici du CIRAD), 1 Myriapode (M. Guillermet Christian).
    - Plusieurs Coléoptères aquatiques nouveaux (en collaboration avec M. Francis Bameul)
    - Et la présence dans d'autres groupes de plusieurs dizaines d'autres insectes non encore signalés de La Réunion (Serge Quilici pour les Cicadèles).

Expédition sous le Gros Morne
    Du 16 au 19 Janvier 1999, en compagnie de l'ornithologue Jean Michel Probst, et de deux photographes animaliers (Dr. Jean Luc Cheron et Jacques Mouriès), nous avons été largués par hélicoptère sous le Gros Morne, dans une zone inaccessible, près du Piton des Neiges, point culminant de l'île à plus de 3.000 mètres d'altitude. L'objectif était de répertorier les sites de nidification du Pétrel de Barreau et pour ce qui concerne la partie entomologique, d'inventorier l'entomofaune des altitudes extrêmes, à la limite de la végétation.
Nous avions plus de 250 kg de bagages, dont un groupe électrogène pour les piégeages lumineux nocturness, du matériel entomologique, des vêtements, des vivres, des tentes, de l'eau et de l'essence pour 4 jours. Les pentes très escarpées et les ravins impressionnants nous ont demandé beaucoup de prudence.
La température diurne en saison estivale ne dépasse pas les 15 degrés. Elle descend la nuit aux alentours de 5 à 8 degrés et le vent souffle en fortes rafales. En hiver, il gèle très souvent. Il existe donc les conditions d'une diapause hivernale qui a contribué à l'émergence d'espèces endémiques typiques de ces hauteurs. Ce climat rude a aussi favorisé la présence d'espèces à vaste répartition géographique que l'on retrouve en France (Agrotis ipsilon, Agrius convolvuli, etc). Cependant si le taux d'endémisme y est très important, la biodiversité tant animale que végétale est faible.
Les conditions météorologiques furent détestables et les nuits très froides. Mais la mission fut couronnée de succès malgré tout, tant au niveau de l'inventaire de l'avifaune qu'au niveau de l'entomofaune. En effet, nous y avons trouvé une nouvelle espèce de papillon de nuit endémique de La Réunion, Cornutiplusia grosmornensis, de la famille des Noctuidae Quadrifides, appartenant à la sous-famille des Plusiinae, et qui ne vit qu'entre 2.000 et 3.000 mètres d'altitude.
 

Le camp de base
Avec Jean Michel
Probst
Des pentes vertigineuses
Récupération 
par hélicoptère
avec Jacques Mouriès

Finalement après un certain suspens du aux mauvaises conditions météorologiques, l'hélicoptère que nous avions affrété a pu venir nous rechercher et se poser quelques instants sur le très étroit piton où nous nous étions installés (Il est à noter que nous n'avions aucune possibilité pour descendre plus bas ou remonter sur le Piton des Neiges).

Expédition au Grand Bénare
En décembre 1999, nous sommes partis en direction du Grand Bénare, avec le guide de haute montagne, Pascal Colas, l'ornithologue Jean Michel Probst, le photographe Jean Luc Chéron, le journaliste du "JIR" Alain Dupuy, un ami entomologiste coléoptériste Jacques Poussereau, un Général de Gendarmerie à la retraite, le Général Lucas et l'équipe d'encadrement de Pascal Lefure. L'objet de cette expédition était triple : chercher les traces des camps d'anciens esclaves qui s'étaient enfuis de chez leurs maîtres, inventorier l'entomofaune de ce secteur, évaluer les sites de nidification du Pétrel de Barreau
Nous avons mis plus de 8 heures pour atteindre notre futur camp de base à partir duquel nous allions rayonner. L'équipe entomologique est restée 3 jours sur le site pour inventorier les insectes, tandis que le gros de la troupe est descendu dans les profondeurs des pentes vertigineuses. Quant à l'ornithologue il partit à la recherche des lieux de nidification du Pétrel de Barreau, oiseau endémique en voie de disparition.
 

Préparation du camp de 
base avec 
Patrice Chereau
Prêt pour le piégeage 
lumineux
Le retour dans le 
brouillard avec 
Jacques Poussereau

La nouvelle Plusiinae que j'avais prise sous le Gros Morne (Cornutiplusia grosmornensis Guillermet, 2000) a été à nouveau capturée en ce site. Cela confirme sa présence en haute altitude seulement. De nombreuses autres espèces d'insectes et d'araignées ont été capturéess et devront faire l'objet d'identifications minutieuses et délicates.

Expédition sur la Crête de l'Entre Deux du Dimitile
Le 22 mars 2001, avec une équipe composée sensiblement des mêmes personnes que l'expédition précédente, et avec les mêmes objectifs, nous nous sommes faits déposer par hélicoptère sur le bord du Rond des Chevrons. Les piégeages lumineux nocturnes furent relativement décevants, bien que nous ayons repris à nouveau un spécimen de la Plusiinae Cornutiplusia gromornensis. Le retour, en équipe réduite lourdement chargée, au travers d'une végétation éricoïde d'altitude touffue, fut long et difficile. Dès le départ matinal un brouillard très épais s'était levé et nous empêchait de nous orienter pour trouver le sentier balisé de la crête où nous avions rendez-vous avec les porteurs venus de Cilaos.
L'entomofaune s'est révélée assez décevante, avec la présence de bêtes à vaste répartition géographique, communes par ailleurs. Le retour le long de la crête fut assez épuisant pour l'équipe technique. Il se termina sous une pluie battante, rendant le sentier étroit et pentu, très glissant.

Expéditions dans les rivières pérennes et les étangs
La plupart des rivières pérennes de l'île sont très accidentées et les zones d'accès, mis à part les premiers kilomètres après l'embouchure, sont peu nombreuses. Une étude nous a été demandée par la DIREN, du temps où j'étais encore Directeur de l'Insectarium, sur les Arthropodes aquatiques et leurs statuts, afin d'argumenter auprès des pouvoirs publics et des associations de pécheurs sur le bien fondé de lâchers de truites et autres poissons carnassiers destructeurs des milieux aquatiques. A cette occasion, nous nous sommes rendus compte combien l'entomofaune aquatique était réduite en espèces et pauvre en populations quand de telles actions avaient été mises en oeuvres. Nous avons fait appel à M. Pascal Lefure et son équipe pour l'assistance technique et la sécurité des biens et des personnes.

Rivière St Denis
Cette rivière, sur ses 10 derniers kilomètres avant son embouchure, est relativement facile à pénétrer, si ce n'est l'absence de sentiers et la traîtrise des rochers glissants. Trois expéditions furent réalisées sur plusieurs jours avec le personnel scientifique de l'Insectarium et les membres de l'association "Insectarium de La Réunion", dont Jacques Poussereau. Le milieu est pauvre en insectes aquatiques. Les braconniers qui pêchent les Anguilles et les Camarons en sont la première cause, par les méthodes employées. En effet, ils empoisonnent l'eau avec du jus de l'Agave Furcraea foetida et de fortes concentrations d'eau de Javel ou d'insecticides.
Malgré la pauvreté de l'entomofaune aquatique, dans sa partie avale une nouvelle espèce de papillons de nuit de la sous-famille des Nymphulinae a été recensée et dédiée à mon ami Gérard Saramito, Hypotia saramitoi Guillermet, 1996.
 

L'équipe scientifique 
au travail 
Dans le dédale du lit 
de la rivière 
Piégeage lumineux 
nocturne 

Rivière des Marsouins
Véritable torrent dévastateur, la Rivière des Marsouins est accessible dans les premiers kilomètres après son embouchure jusqu'à l'Ilet Béthléem, puis  à 450 mètres d'altitude, en bas de l'usine électrique de Takamaka et enfin en pleine forêt primaire à 1.500 mètres d'altitude. Les autres tronçons sont inaccessibles et sont le domaine des amateurs de "canyoning".
Le constat est le même : partout où il y a eu des lâchers de truites, l'entomofaune aquatique est très réduite en biodiversité et en populations. Ce n'est qu'à partir de 1.500 mètres, dans la forêt de Bébour, que l'on retrouve des espèces endémiques et des populations importantes. Plusieurs expéditions ont eu lieu pendant l'été austral des années 2000 et 2001 (Octobre à Décembre).
 

A l'îlet Béthléem 
En bas de l'usine 
de Takamaka 
En forêt primaire 
à 1.500 m 

Bras de La Plaine
En Novembre 2001, nous avons parcouru le Bras de La Plaine sur 14 kilomètres, depuis Grand Bassin jusqu'au Pont des Lianes, en bivouaquant sur plusieurs jours. Nous y avons fait une abondante moisson d'insectes aquatiques. Ce furent principalement des Coléoptères Gyrinidae, Dytiscidae, Hydrophilidae; des Punaises aquatiques Veliidae, Notonectidae, Corixidae; des Trichoptères et des Diptères. Les Odonates étaient peu représentés en espèces. Seule le Libellulidae Trithemis haematina avait des populations larvaires abondantes.
 

Le Bras de La Plaine
tout en bas 
Chez l'habitant à 
Grand Bassin 
Bivouac au Pk 10 

Etang de St Paul
L'étude de l'entomofaune de l'Etang de St Paul entreprise en 1996 à la demande du Conseil Général de La Réunion, s'est poursuivie jusqu'en 2001, date de la remise du rapport général. Cette longue période correspond à la pose du tuyau de basculement des Hauts d'Est en Ouest, dans la partie la plus sensible et la plus riche en espèces de l'étang. Les écosystèmes en place ont été fortement perturbés et les réseaux trophiques complètement déstabilisés, à tel point qu'aujourd'hui, les oiseaux indigènes et migrateurs, nombreux jadis, ne trouvent plus la nourriture nécessaire à leur développement. Le projet de mise en réserve arrive, hélas, bien tardivement et ne sauvera pas l'entomofaune aquatique et subaquatique disparue et typique de l'étang.
D'importants feux ont été allumés intentionnellement au cours des années 2000 et 2001, détruisant la flore et la faune du centre de l'étang (flore composée de formations à Papyrus, Eleocharis et Schinus). Durant le dernier trimestre 2001, plusieurs petites expéditions, diurnes et nocturnes, se sont rendues sur le terrain pour évaluer les dégâts, faire les inventaires dans les rares zones non incendiées et celles qui ont été brûlées. Les résultats montrent un profond déséquilibre entre les zones dévastées et celles qui n'ont pas été touchées.
 

Au coeur de l'étang 
de St Paul 
Formations à Thypha 
et à Papyrus 
Formations à Schinus

Expéditions dans les boyaux et grottes de laves
De 1996 à 2000 avec des spéléologues appartenant à l'Association "Société scientifique d'Etude des Cavernes de La Réunion" dont le Président était Jacques Rivière, assisté de Pierre Brial et de Mathieu Duquesnois, plusieurs cavernes ont été visitées, ainsi qu'à l'île Rodrigues, à la demande du gouvernement de l'île Maurice. A La Réunion, on retiendra la "Caverne de La Tortue" et celle de "Trou d'eau" à La Saline-les-Bains, dans lesquelles ont été trouvé des Arthropodes cavernicoles, dépigmentés et aveugles (4 Araignées, un Myriapodes, une Cicadèle). Tous sont nouveaux et endémiques. Ils font actuellement l'objet d'études longues et laborieuses par les spécialistes.
 

Araignée cavernicole aveugle 
Dans les cavernes de l'île Rodrigues 
Minuscule Araignée Pholcidae inconnue 

Expédition Juin-Août 2010
Dans le cadre de la Plate-forme de Recherche "Art et Science" sur le "Paysage" une convention a été signée avec l'Ecole Supérieure des Beaux Arts de La Réunion (ESBAR). Une étude faunistique relative aux Lépidoptères diurnes et nocturnes a été menée en basse altitude, compte tenu de l'hiver austral peu propice à l'émergence d'une entomofaune d'altitude.
Les stations inventoriées ont été celles de La Grande Chaloupe (arboretum et entrée du terrain militaire), Etang de Saint-Paul (Tour des Roches, Parc Amazone, ponton des parapentistes), Mare Longue (Ligne des 300), Savane entourant la Halle des Manifestations de Le Port, Route de La Montagne, pk 19,5.
Outre de nombreuses conférences sur l'entomologie données dans le cadre des Journées de Flore et Halle (pendant la période de pleine lune néfaste aux piégeages lumineux), de très nombreux piégeages ont été organisés. Beaucoup de microlépidoptères ont été recueillis, révélant une entomofaune qui, jusqu'à présent, n'avait été que peu étudiée si ce n'est par le très regretté Pierre Viette du MNHN de Paris lors de la mission Franco-Mauritienne de 1955.
De ces captures de nouvelles espèces endémiques de La Réunion ont été publiées au cours des années 2011, 2012 et 2013. Elles appartiennent aux familles des Tineidae (Hapsiferinae, Hieroxestinae, Erechthiinae), Gracillariidae, Oecophoridae, Stathmopodiae, Tortricidae, Pyralidae, Crambidae, Arctiidae (Lithosiinae), Geometridae (Ennominae), Noctuidae. Des espèces de première citation ont été déterminées : Glyphipterigidae, Gelechiidae, Noctuidae et Tortricidae. De jour, à l'arboretum de La Grande Chaloupe a été capturée une femelle de la Lycène Spalgis tintinga (Boisduval, 1833) butinant les fleurs de l'Euphorbiacée endémique Croton mauritianus.

Un élève en 4ème année de l'ESBAR, Félix Mulla, était chargé de photographier, in vivo, les espèces d'Hétérocères remarquables. Ce fut l'occasion d'apprécier ses talents et sa disponibilité.
 

Félix Mulla 
Elève de 4ème année à l' ESBAR du Port
Séance de piégeage à Mare Longue 
Préparatifs d'un piégeage lumineux à l'Etang de Saint-Paul sur l'ancien ponton des parapentistes au coeur de l'Etang.

Expédition Mars-Mai 2011
Le Parc National de La Réunion a financé cette expédition dont l'objet était d'actualiser les inventaires de l'entomofaune lépidoptérologique en basse, moyenne et haute altitude, en vue d'un complément à ajouter au 4ème volume sur les Hétérocères de La Réunion. Grâce à son Directeur scientifique, Benoît Lequette et aux membres du PNRun, cette expédition fut un succès malgré des conditions météorologiques assez peu favorables.
De très nombreux microlépidoptères inconnus ont été capturés. Tout particulièrement des Gelechioidea, Carposinidae, Tortricidae, Pyralidae, Crambidae, Arctiidae. Mais aussi un Geometridae inconnu ainsi que deux Acontiinae de la famille des Noctuidae. On dénombre aussi plusieurs espèces de première citation chez les Noctuidae et les Pterophoridae.
Ces espèces inconnues ont été partiellement déterminées et on fait l'objet de plusieurs publication en 2012 et 2013.
Mais de nombreuses espèces sont encore en cours d'étude.
 

Benoît Lequette, Directeur scientifique du Parc National de La Réunion et éco-gardes du Parc Amazone
Marc Salamolard, Responsable Faune sauvage au Parc National de La Réunion dans la forêt Dugain des Hauts de Bagatelle

Expéditions à venir
- 2013 Ile de Mayotte et Massif du Kartala à la Grande Comore
- 2014 Ile de La Réunion, Morne de Fourche

Aujourd'hui
Aujourd'hui, grâce à la présence active d'entomologistes amateurs et professionnels et aussi de naturalistes, oeuvrant au sein d'associations (Association Réunionnaise d'Ecologie, Insectarium de La Réunion, SREPEN, SRAM, etc...) en collaboration avec des organismes officiels (PNRun, DIREN, CIRAD, ONF, Musée de Saint Denis, etc...), l'entomofaune réunionnaise est de mieux en mieux connue et révèle un endémisme qui, pour certains groupes, est très important (Lépidoptères et Coléoptères). Chez les Lépidoptères il atteint près de 42% pour 567 espèces déterminées.

Droits d'auteurs
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