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~ La guêpe commune Polistes hebraeus ~


Jeune ouvrière à la recherche de nourriture 

 La guêpe Polistes est un insecte social
La guêpe Polistes fait partie de l'Ordre des Hyménoptères, c'est à dire des insectes dont les deux paires d'ailes sont fines et transparentes. Comme les abeilles et les fourmis (qui sont aussi des Hyménoptères) ou les termites (Isoptères), les guêpes Polistes sont des insectes sociaux. Elles ont développé un mode de vie qui les rendent dépendantes les unes des autres, les empêchant de vivre seules et isolées comme bon nombre d'autres espèces de guêpes.

Les habitants du nid
Tous les insectes sociaux comprennent des individus différenciés par leurs tailles, leurs formes et leurs fonctions. Les guêpes Polistes n'échappent pas à la règle. Sur le nid on trouvera donc trois groupes d'individus ou castes :
La reine
C'est la guêpe fondatrice de la colonie. Elle pond un grand nombre d'oeufs pendant la courte période de l'été.
Les ouvrières
Ce sont des femelles stériles. Elles sont majoritaires et leur rôle est fondamental, puisqu'elles assurent des tâches indispensables à la vie du guêpier : construction du nid, défense de la colonie, recherche de la nourriture, soins à la reine, aux oeufs et aux larves.
Les futurs sexués
A la fin de l'été le nid comprend essentiellement des guêpes plus grosses et moins actives. Ce sont des mâles et des femelles nouvellement éclos, grâce à qui la survie de l'espèce sera assurée.

Naissance d'une colonie
Son histoire commence à la fin du printemps, en Novembre ou Décembre selon les années. Les femelles, fécondées quelques mois plus tôt, en Avril, par les mâles issus de la même colonie, passent la fin de l'hiver à squatter les anfractuosités des arbres ou les recoins des toitures des maisons. Elles attendent, avec la venue de la chaleur et des premières pluies estivales, la montée de la sève dans les branches et la pullulation de chenilles. Estimant le moment venu, elles partent à la recherche d'un site pour faire leur nid. La reine assume alors les fonctions de bâtisseuse, de pondeuse, de nourrisseuse et de soigneuse de sa nouvelle progéniture. C'est un travail harassant qu'elle ne peut pas mener toute seule pendant des semaines. Aussi avec l'émergeance des premières guêpes, qui sont toutes des ouvrières, elle va désormais se consacrer uniquement à la ponte, tandis que ses filles vont assumer toutes les autres tâches.
 
Construction du nid
Après avoir décidé de l'endroit où elle va bâtir son nid, la nouvelle reine construit d'abord la base du nid. C'est une sorte de pédoncule fortement attaché à son support, branche, poutre, sur lequel sera construit un vaste plateau alvéolé, qui devra résister aux vents violents des cyclones et au poids de ses habitants.Le pédoncule, comme le reste du nid, est constitué par une sorte de carton que la reine fabrique en mâchonnant des particules de bois arrachées aux branches des arbres. Elle les imprègne de salive et de substances collantes jusqu'à ce que le tout devienne une pâte maléable. Pour consolider le pédoncule, la reine le recouvre d'une forte couche de résine qu'elle recueille sur les bourgeons et sur certains arbres. 

Sur cet appui bien fixé à son support, la reine construit le nid proprement dit. Il est formé de nombreuses alvéoles hexagonales, juxtaposées et imbriquées. Cette manière de procéder permet de mettre un maximum d'alvéoles dans un minimum de place, sans perte d'aucun espace.
 

Ponte et développement larvaire
Pendant tout le temps de sa courte vie, la reine pond un maximum d'oeufs. Après avoir nettoyé le fond de chaque alvéole, elle introduit l'extrémité de son abdomen et pond un oeuf sur la paroi. Il est enveloppé d'une substance gluante qui le colle à son support.

Reine en train de pondre 
Quelques jours plus tard, ce petit oeuf blanc qui ne fait pas la moitié d'un millimètre donne naissance à une petite larve qui est collée à aux parois de l'alvéole afin de ne pas tomber du nid. En effet, chez les guêpes du genre Polistes, le nid n'est pas orienté vers le haut, mais vers le bas. De plus, il n'est pas entouré d'une enveloppe protectrice comme c'est le cas chez les guêpes et les frelons d'Europe. 
Les larves, très voraces, sont avides de nourriture, d'eau et de nectar. Trois semaines plus tard, ayant occupé tout l'espace alvéolaire, elles tissent un opercule qui les enferme dans leur alvéole. Une semaine plus tard, après s'être transformées en nymphes, elles déchirent la fine membrane de l'opercule et, aidée par leurs soeurs, elles émergent sous la forme de guêpes ouvrières.
Larves, alvéoles operculées et oeufs 
Nymphe extraite de son alvéole

Alimentation des guêpes
Contrairement à ce que beaucoup de personnes croient, les guêpes ne font pas de miel. Ce sont de terribles carnassières qui vont chercher sur les plantes des chenilles de papillons et de nombreux autres insectes. Après les avoir dépecés, elles les transforment en boulettes de viande qu'elles ramènent au nid pour nourrir les larves
 

Ouvrière ramenant au nid une 
boulette de chenille
Elles transportent aussi dans leurs mandibules des gouttes d'eau qu'elles recueillent dans les bassins et dans les flaques d'eau. Elles sont aussi à l'affût des gouttes de nectar et du pollen que les fleurs produisent. Bien d'autres éléments entrent dans la composition de l'alimentation des guêpes, mais ils sont mal connus.
 
Ouvrière sur une fleur d'Euphorbia milli
Apparition des sexués
A la fin de l'été la reine meurt. Sa disparition permet aux derniers oeufs qu'elle a pondus de donner des larves qui vont se développer normalement pour donner des adultes sexués. En effet, de son vivant, la reine produit des sécrétions hormonales qui, transmises dans la nourriture des larves, empêcheront le développement normal de leur appareil génital.
Comme tous les insectes sociaux le léchage, le toilettage et le nourrissage par trophallaxie permettent la distribution à toute la colonie d'une nourriture prédigérée identique, imprégnée des substances hormonales produites par la reine et tous les individus de la colonie. La trophallaxie ou régurgitation du contenu stomacal est commun à tous les insectes sociaux.
 
Nourrissage par trophallaxie 

En disparaissant, la reine signe la fin de l'accroissement de la colonie et le début du développement larvaire des futurs sexués. Ces larves grossissent très vite et sont de plus en plus à l'étroit dans des alvéoles prévues pour le développement d'ouvrières. Aussi, elles y ajoutent une colerette blanche supplémentaire qui borde leur partie supérieure. Arrivées à maturité elles operculent les alvéoles pour se transformer en nymphe, puis quelques jours plus tard en sexués mâles et femelles.
 

Alvéole operculé de sexué 
Larve de sexué

Très rapidement ces grosses guêpes s'accouplent. Les mâles meurent dans les heures qui suivent. Les futures reines, fécondées pour toute leur vie, quittent peu à peu le nid maternel pour aller se cacher dans les anfractuosités des branches, dans l'attente de l'été prochain. La boucle est bouclée. Petit à petit le nid est déserté. Les dernières ouvrières meurent, épuisées, victimes de leurs innombrables activités au service de la colonie. A la saison suivante, les nouvelles reines construiront de nouveaux nids, ignorant dans la plupart des cas les anciens nids laissés à l'abandon.

La guêpe Polistes hebraeus dans la vie sociale des réunionnais
Voilà un insecte qui est bien intégré dans la vie des habitants de l'île de La Réunion, puisque ses larves, grillées, font partie de la cuisine locale. Pendant la saison chaude, bon nombre de réunionnais armés d'un enfumoir artisanal, partent à la recherche des nids de guêpe. L'instrument est généralement très simple. Il est constitué par un morceau de toile de jute placé au sommet d'un long baton ou, tout simplement pour les plus experts, par une cigarette allumée. La fumée chasse les guêpes du nid, permettant au chasseur de le récupérer. Sa taille est très variable, son prix aussi. Les grands nids de 20 cm de diamètre deviennent de plus en plus rares, suite à l'emploi abusif de pesticides et à la destruction des nids. Cependant, un bon chasseur peut en plein été ramener plusieurs kilos de nids de guêpe, qu'il pourra vendre fort cher. Cette pratique, très encrée dans les moeurs des habitants de La Réunion, est une source de profit non négligeable qui vient apporter un peu d'aise à des gens qui sont souvent dans le besoin.
Si la larve de guêpe est un met recherché et dispendieux, l'adulte est redouté à cause de ses piqûres douloureuses. Aussi les moeurs de cet insecte social sont peu connues du grand public, à l'exception des chasseurs eux-mêmes.

Rôle des guêpes dans la nature
De par leurs moeurs carnassières et prédatrices, les guêpes solitaires ou vivant en société, ont un rôle très important dans la gestion des écosystèmes.
La guêpe Polistes pourrait être un excellent auxilliaire pour l'agriculteur, en décimant les populations des chenilles ravageuses des cultures.
Certaines pondent leurs oeufs dans les oeufs d'autres insectes, ou bien dans les chenilles ou les chrysalides de papillons. Ce facteur limitant, qui est considérable, est utilisé par l'homme comme lutte biologique.
 

Cocons de micro-guêpes
Lutte biologique
On se sert de micro-guêpes qui sont élevées en laboratoire, testées sur les insectes ravageurs à combattre et lâchées dans la nature. Ce sont de minuscules espèces solitaires (Braconides, Chalcidiens, etc.), comme par exemple les guêpes des genres Tetrastychus et Xanthopimpla.
 
Guêpe braconide 
Xanthopimpla parasitant une 
chrysalide de papillon 

On peut déplorer que certaines de ces espèces importées à La Réunion, pour le développement de la lutte biologique, soient aller parasiter les chenilles de papillons endémiques en voie de disparition comme Papilio phorbanta et Antanartia borbonica borbonica.
 

Papilio phorbanta, mâle 
Antanartia b. borbonica

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