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~ SANTÉ ~

Le virus Chikungunya enfin pris au sérieux

Les hiérarques de la Santé nationale admettent le caractère exceptionnel de la crise qui affecte La Réunion. La situation étant hors contrôle, l’État passe à la vitesse supérieure et la solidarité nationale va jouer. Mais les deux “mandarins” avertissent : la crise ne va pas cesser à court terme. Il faudra subir jusqu’à l’hiver prochain... et se préparer à l’avenir. D’autres arboviroses menacent.

Le ministre de l’Outre-mer, François Baroin, vient de déléguer à La Réunion l’un de ses missi dominici, le directeur des affaires politiques et financières Richard Samuel, accompagné des deux plus éminentes autorités de la santé nationale, le directeur général de la Santé Didier Houssin et Gilles Brucker, directeur général de l’Institut de veille sanitaire (InVS). Cette ambassade, qui se déroule évidemment sous l’égide conjointe de Xavier Bertrand, ministre de la Santé et des Solidarités, ira à la rencontre des Réunionnais, de leurs élus et des professionnels de santé afin de faire un point sur la maladie et présenter sur place le rapport des experts (Ndlr : le rapport Duhamel, mission commune IRD, InVS et IGAS), qui sont venus en décembre dernier. La mission Houssin-Brucker est une émanation directe de la structure d’appui interministérielle sur le chikungunya, pilotée par le ministère de la Santé et des Solidarités en lien étroit avec Medetom et les autres départements ministériels. Cette cellule mobilise les meilleurs organismes d’expertise publique, elle est le pendant national de la cellule de crise permanente pilotée par le Préfet de Région. Comme de bien entendu, l’arrivée de ce triumvirat de hauts fonctionnaires et “mandarins” ne suffira pas à terroriser les moustiques. Les deux scientifiques, que nous avons rencontrés dès leur descente d’avion, dans les salons de l’aéroport Roland-Garros, en conviennent volontiers, à l’instar de Didier Houssin : “Il ne faut pas se faire d’illusion, l’épidémie ne s’arrêtera pas du simple fait de notre présence...” Mais, explique Laurent Cayrel, leur arrivée montre que pour le gouvernement, l’heure est à la “mobilisation générale”.

“UN FAUX SENTIMENT D’IMPUNITÉ...”

Pour Gilles Brucker, “boss” de l’InVS en charge de la surveillance de l’état de santé de toute la population, la situation à La Réunion est régulièrement suivie depuis le printemps dernier, “mais elle a basculé à partir de décembre, ce qui implique une révision des dispositifs à la hauteur de la dynamique et des conséquences de l’épidémie...” Gilles Brucker est de toute évidence l’homme de la situation. Spécialiste en épidémiologie des maladies transmissibles, il a dirigé le Centre de coordination de la lutte des infections nosocomiales Paris-Nord pendant plus de dix ans, et le service de santé publique de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière sans oublier son passé de chargé de mission auprès du ministre délégué à la Santé pour les questions relatives aux alertes sanitaires. Sa lecture des événements est significative : “Notre dispositif de surveillance est débordé par une situation de transmission hyper-épidémique (...). Le chikungunya était connu de longue date, mais il n’avait pas franchement été étudié dans les pays concernés, et il vient de nous apparaître qu’il n’est plus véritablement bénin en cas de développement important de l’épidémie, comme le prouvent les cas graves chez les nouveaux-nés, les arthralgies chez les adultes, les méningoencéphalites, et l’impact du virus sur les personnes vulnérables (Ndlr : les décès)”. Dans le détail, la mise à niveau des dispositifs passe, selon Gilles Brucker, “par le dialogue avec les praticiens, le redimensionnement du réseau Sentinelle (...) et la définition d’une stratégie dotée de moyens adéquats...” Mais l’épistémologiste prévient, “même en tel cas, avec la dengue par exemple, les résultats ne sont pas immédiats...” Les Dr. Houssin et Brucker conviennent de ce que l’épidémie est loin d’être terminée, qu’elle suivra son cours vraisemblablement jusqu’à l’hiver prochain, que le succès local de la lutte contre le paludisme a introduit sur l’île un faux sentiment d’impunité, voilé le caractère pernicieux des moustiques.

PAS QUESTION DE SANCTUARISER LE DÉPARTEMENT

Et d’admettre que la crise CHIK est” un cruel rappel à la réalité “. En conséquence de quoi, aujourd’hui et à l’avenir, la lutte anti-vectorielle doit être une préoccupation permanente. Pour ce faire, des spécialistes métropolitains qui sont récemment intervenus aux Antilles où la dengue frappe, apporteront leur secours, et une étude rigoureuse des produits insecticides sera conduite de façon à adapter étroitement les produits aux besoins et à la préservation de l’environnement. Enfin, comme il n’est pas question de sanctuariser le département, la nécessité de mettre en place des politiques de coopération Réunion-Mayotte, avec les Ententes Interdépartementales de démoustication métropolitaines, via l’Adege (Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués), par exemple, paraît séduire le directeur général de la Santé, quand le Préfet de Région, lui insiste sur la nécessité d’engager au niveau de la Commission de l’océan Indien, des politiques de coopération centrées sur la surveillance et la lutte contre les arboviroses...

Philippe Le Claire

Pour information : http: //www. eid-med. org/
 

- À la rencontre de la réalité L’ambassade sanitaire métropolitaine supporte un train d’enfer. Sept rencontres et séances de travail hier, dont un grand briefing avec la Drass, l’ARH, la Cire, le Samu... (Ndlr : organes de santé locaux), une rencontre avec Josette Brosse à Saint-Louis, le truc a dûêtre sportif ! Aujourd’hui, réunion avec les maires, entre autres causements. Là encore, ça risque d’être “hot”. Enfin, demain, la journée sera studieuse et pointue, avec des rencontres avec les médecins libéraux, le matin, les hospitaliers l’après-midi.
Imprimé via http://www.clicanoo.com
© 1998-2005, Journal de l'Ile de La Réunion
Article mis en ligne le 26 janvier 2006

 
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