~ Visite du Jardin du Roy ~

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VISITE DU JARDIN DE L’ETAT LE VENDREDI 29 OCTOBRE 2004 POUR LA SOCIETE BOTANIQUE DE FRANCE  AVEC LE  Dr ROGER LAVERGNE

        Aux premières heures de la colonisation de l’île fut créé sur une terrasse alluviale de la Rivière Saint-Denis, côté Est, approximativement à l’emplacement du Collège Jules Reydelet actuel, un Jardin dit de La Compagnie…où ne subsisterait désormais plus qu’un gros et grand pied d’ Aphanamixis polystachya (Wall.) R.N. Parker  !
        Difficile d’accès, parfois inondé et ravagé par les crues de la Rivière Saint-Denis en périodes cycloniques, ce premier jardin d’acclimatation fut abandonné.
        C’est au lieu-dit « Camp de Lorraine », dans l’actuel Quartier de La Source, à l’extrémité Sud de la Rue Royale (actuelle Rue de Paris) que fut créé entre 1767 et 1773, le Jardin du Roy.
        Monsieur Nicolas Bréon sera le premier Directeur du Jardin entre 1817 et 1830.
        Un buste de Pierre Poivre fut réalisé en 1825. Il était temps de rendre hommage à cet Intendant des Isles de France et de Bourbon qui se rendit célèbre dans sa conquête des épices  -- Girofle, Muscade -- aux mains des Hollandais.
        C’est en janvier 1831 que Monsieur Jean-Michel Claude Richard prendra la direction du Jardin et cela pendant une trentaine d’années.
        Au titre de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, le Jardin de l’Etat a été classé en décembre 1978.
         Appelé Jardin de l’Etat au moment de la départementalisation en 1948, cet ex jardin d’acclimatation a surtout retenu notre attention quand il s’est agi, à la demande du Conseil Général, de réactualiser les catalogues de Bréon et de Richard, deux jardiniers-botanistes de ldu XIXe siècle, faute d’autres documents accessibles sur des introductions antérieures de végétaux utiles à l’économie de l’île.

1. Combien de plantes introduites au XIXe siècle ?

        Il est d’abord question, en 1825, du « Catalogue des plantes cultivées aux jardins botanique et de naturalisation de l’île Bourbon » de Nicolas Bréon, puis, en 1856, du « Catalogue du Jardin de La Réunion » de Jean-Michel Claude Richard.
        Bien que le Dr Bernier ait écrit le 1er juillet 1956 que « Monsieur Richard cultive au Jardin environ 3000 espèces de plantes exotiques », un décompte des taxons valides regroupant les deux catalogues des jardiniers-botanistes, joint aux envois des plantes effectués par le Muséum National d’Histoire Naturelle entre 1845 et 1898, ne nous donne que 2101 espèces introduites.
        Non retrouvés dans l’Index de Kew et 18 de ses suppléments, 261 noms scientifiques ont du être rejetés.
        Sans nom d’auteur, 124 binômes s’adressant à 2,3,4,5…espèces différentes possibles ont du être écartés.
        Si actuellement peu de taxons appartenant à la flore originelle sont présents dans le Jardin de l’Etat, les deux catalogues nous ont permis d’y compter jadis 111 espèces endémiques et 61 espèces indigènes présentes sur notre île.
        On a aussi mis de côté 27 espèces endémiques de la seule île Maurice.
        Richard retiendra dans son catalogue même les « mauvaises herbes ». Il considérait par exemple Asystasia coromandeliana Wall., A. bojeriana Nees et A. intrusa Nees comme trois espèces distinctes alors qu’elles ne correspondent aujourd’hui qu’à la petite Acanthacée Asystasia gangetica (L.) T. And. . Comme vous pouvez le supposer de nombreux synonymes auront dus être regroupés ce qui diminue le nombre d’espèces à retenir.
        On dit qu’ « à La Réunion tout pousse ». A vous de juger : sur 2101 espèces introduites officiellement entre 1825 et 1898, 1444 ont disparu, soit 7 sur 10.

2. Proposition d’un circuit

        Santalum album L., le Santal est une plante hémiparasite. A-t-elle noué des liens trophiques avec Livistona chinensis (Jacq.) R. Br. ex Mart., le Latanier de Chine, Palmier le plus commun en ce jardin ?
        Deux remarques : première remarque, bien qu’appelé Latanier de Chine, Livistona chinensis (Jacq.) R. Br. ex Mart. est originaire du sud du Japon, des îles Ryukyu et des îles Bonin, deuxième remarque, il n’est pas signalé en 1825 et 1856 dans les catalogues de Bréon et Richard alors qu’il est tout à fait identifiable sur une lithogravure d’Adolphe Astrel parue en 1847. En ce temps là le Foutain Palm, reconnaissable à l’extrémité de ses feuilles retombantes comme un jet d’eau et à ses fruits glauques d’épiderme et orangés de pulpe de la grosseur d’une Olive, n’existait pas au Jardin.
        Pour en revenir au Santal, Les Comoriennes frottent son bois sur du corail pour s’en faire un masque de beauté.
        Derrière le socle du buste de Pierre Poivre, ces arbres à écorce évoquant celle du Platane sont des Caramboliers marrons, leurs fruits ligneux et incomestibles évoquant les Caramboles, elles comestibles. Ayant un jour pris le bus à Maurice, je demandais à deux Mauriciens comment ils appelaient ces arbres de bord de route. L’un me dit Arbre gouvernement, l’autre Arjuna. Je fus ravi par cette deuxième réponse car Arjuna, qui se retrouve dans Terminalia arjuna (Roxb.) Beddome, le nom scientifique de cette Combrétacée, fait référence à un personnage de la mythologie hindoue dont s’est inspiré Jean de La Fontaine quand il a écrit sa fable sur le riche laboureur.
        Un majestueux Figuier, le seul pied que je connaisse, Ficus altissima Blume qui figurait en 1898 dans les derniers envois du Muséum National d’Histoire Naturelle. Je me demande comment cette superbe créature végétale a pu jusque là résister aux assauts dévastateurs des cyclones qui ont mis à terre ces trente dernières années des Lastics ou Caoutchoucs, Ficus elastica Roxb., de tailles comparables, qui trônaient aux entrées Sud et Nord du Jardin.
        Deux pieds d’un Conifère à tronc columnaire, à feuilles vert sombre, larges et plates : Agathis robusta (C. Moore ex F. Muell.) F. M. Bailey , Araucariacée australienne que les Mauriciens appellent Queenland Kauri ou Dammara.
        Le Carambolier ou Averrhoa carambola L. est tantôt situé dans la famille des Averrhoacées soit inclus dans la famille des Oxalidacées. Son fruit jaune, sucré et juteux le ou la Carambole est parfois vendu en Métropole. Ce fruit d’origine malaise est le Star Fruit des Anglo-saxons.
        A droite d’un Badamier ou Terminalia catappa L., Phoenix sylvestris (L.) Roxb. un Palmier originaire de l’Inde, appelé Sylver Date Palm, Dattier d’argent, peu souvent rencontré en culture même s’il a un intérêt ornemental certain.
        Dypsis lutescens (H. Wendl.) Beentje & J. Dransf., le Multipliant, sans doute le Palmier le plus souvent cultivé pour l’ornement à La Réunion. Originaire de Madagascar, j’ai vu des millions de Multipliants de haute taille sur la côte Est au long du Canal des Pangalanes.
        Autre Palmier cespiteux, Caryota mitis Lour ou Queue de Poisson, à feuilles bipennées et à pinnules ressemblant à des nageoires. Cette espèce est originaire d’une zone s’étendant de la Birmanie à l’Indonésie et aux Philippines.
        Trois pieds du Palmier bonbonne ou Palmier gargoulette pour les Réunionnais, le Bottle Palm des Mauriciens. Ce Palmier pachycaule est le Hyophorbe lagenicaulis (L. H. Bailey) H.E. Moore endémique de Maurice ; ces derniers sont adultes ; l’espèce est surtout appréciée quand elle est encore naine et ventrue.
        Un énorme pied de Jamblon, le Syzygium cumini (L.) Skeels [syn. Eugenia jambolana Lam.] Myrtacée d’Indo-Malaisie dont je n’ai jamais vu dans la nature des feuilles et des fruits aussi gros (que des Pruneaux). Est-ce un pied polyploïde ?
        Utilisé dans la pharmacopée locale traditionnelle pour soigner le diabète sucré, Syzygium cumini (L.) Skeels sert à Madagascar à préparer le Madéglucyl un médicament utilisé localement comme hypoglycémiant.
        Couroupita guianensis Aubl., Cannonball Tree, l’Arbre boulets de canon porte bien son nom dans la mesure où sur ses rameaux fertiles situés en dessous du houppier (cauliflorie) se développent d’étranges fleurs à odeur de pivoine puis des fruits qui évoquent à s’y méprendre des boulets de canon rouillés.
        Majidea zanguebarica Kirk., une Sapindacée originaire de Zanzibar, de l’Afrique de l’Est et de Madagascar. Je l’ai reconnue à La Montagne des Français près de Diego Suarez à Madagascar trouvant sur le sol ses capsules ouvertes, rouges à l’intérieur, et, ses graines noires, sans arillode.
        Le genre Pterocarpus a des « fruits ailés » comme l’indique son étymologie. Cette Papilionacée n’est pas ici le Pterocarpus indicus Willd ou Sang Dragon, arbre dont on peut aisément blesser l’écorce avec un couteau pour voir s’écouler un kino ou gomme tanifère rouge sang, qui vite brunit au contact de l’air. Je n’ai pas réussi à mettre un nom d’espèce à ce Pterocarpus.
        Saraca asoka (Roxb.) de Wilde est une Césalpiniacée à fleurs oranges que l’on retrouverait cultivée près des temples hindous en son Asie tropicale originelle.
        Là-bas, avec des feuilles un peu plus grandes que celles de l’Arbre à pain, un Rima ou Artocarpus altilis (Parkinson) Fosberg var. seminifera. Alors que le Fruit à pain est parthénocarpique comme les Ananas ou les Bananes que nous achetons, le Rima contient des graines ce qui suppose qu’il résulte d’une fécondation.
        Des Baobabs, sans doute Adansonia digitata L. l’africain, déjà présent en 1825 et 1856 dans les catalogues des jardiniers-botanistes. Ses fruits ou Pains de Singe contiennent des graines comestibles entourées par une pulpe farineuse, blanche, acidulée, riche en calcium. Ses fleurs blanches sont-elles, comme au Sénégal, où je l’ai observé, pollinisées par des Chauves-Souris ?
        Kigelia africana (Lam.) Benth, le Saucisonnier est une Bignoniacée que je n’ai jamais vu fructifié au Jardin de l’Etat. Portées par un long pédoncule (penduliflorie), pourvues d’une odeur animale et riches en nectar, ses fleurs seraient aussi adaptées à la cheiroptérogamie ou pollinisation par les Chauves-Souris.
        Chrysophyllum oliviforme Lam., une Sapotacée des Antilles déjà présente en 1825 dans le catalogue de Bréon. On remarquera surtout ses contreforts, rencontrés essentiellement chez des grands arbres de forêts équatoriales. On peut se poser la question de savoir quel est le rôle de ces expansions…utiles à de grands arbres installés sur des sols peu profonds pour leur assurer un meilleur ancrage et une meilleure alimentation !
        Khaya senegalensis (Desr.) A. Juss. est une Méliacée pour laquelle nous avons deux dates d’introduction au Jardin : 1888 depuis le Muséum National d’Histoire Naturelle, 1938 par Mr Roger Benoît. A vous de juger d’après la taille des arbres quelle est la date d’introduction à retenir. Je possède une cantine confectionnée avec le bois de ce Caïlcédrat, Acajou du Sénégal ou Acajou d’Afrique. Il a encore été appelé Quinquina du Sénégal. De son écorce on a extrait une substance amère le « caïcédrin » qui a une action hypothermisante particulièrement nette chez le Cobaye soumis à hyperthermie provoquée.
        Phoenix reclinata Jacq., le Dattier du Sénégal, espèce africaine que j’ai cru reconnaître à La Montagne des Français.
        Leea guinensis G. Don, le Bois de sureau indigène en Afrique, à Madagascar, à Maurice et à La Réunion. Cet arbrisseau ornemental par ses fleurs et ses fruits fait partie de la tisanerie locale. Une tisaneuse le prescrit par exemple en boisson et en bain contre la goutte et « l’enflure », un autre tisaneur contre les rhumatismes et l’arthrose.
        Derrière le bassin central, Roystonea oleracea (Jacq.) O. F. Cook, un alignement de Palmiers de plus de 20 m que nous appelons aujourd’hui Palmiers colonne et qui furent introduits sous le nom de Palmiers de Cayenne.
        Une lithographie de Roussin de 1866 nous montre que l’allée centrale du Jardin est occupée par des alignements de Manguiers Mangifera indica L.. Sans doute parce que ces arbres fruitiers sont vieux et présentent un danger pour le public qui visite le Jardin, il est question de les remplacer. En 1873, soixante treize d’entre eux sont abattus pour être remplacés par un Vitex. Le mot Vitex figure dans plusieurs documents d’archives. Longtemps appelé Vitex doniana Sweet, l’arbre en question ou Grain de bouchon est en fait une autre espèce, le Vitex glabrata R.Br., Verbénacée (aujourd’hui Lamiacée) originaire de l’Inde, de l’Asie du Sud-Est et de l’Australie.
        Le Grain de bouchon offre peu d’intérêt ornemental. En période fraîche et sèche il perd ses feuilles. Ses fleurs à corolle bilabiée sont minuscules. Son nom vernaculaire fait allusion à ses fruits noirs à pulpe ayant la consistance du cirage, drupes nombreuses que personne ne mange.
        Nous sommes sous l’ombre permanente de Mimusops elengi L., Sapotacée curieusement appelée Coing de Chine qu’on aurait pu appeler Nattier indien dans la mesure ou ce n’est pas un Cognassier mais un parent du Mimusops maxima (Poiret) Vaughan, endémique de Maurice et de notre île, que nous appelons Grand Natte, le mot Natte étant certainement une francisation du mot malgache Nato.
        Dans un projet de réhabilitation du Jardin, j’ai proposé de remplacer les Grains de bouchon de l’allée centrale par des Coings de Chine, ces derniers offrant une ombre permanente, un houppier arrondi comme les Manguiers d’origine, de petits fruits orangés à pulpe amylacée entourant une graine parfois utilisée pour faire des colliers !
        Au départ et à gauche de ce que j’ai proposé être l’ « Allée Nicolas Bréon » dans une « Florule des Palmiers du Jardin de l’Etat », le contraste saisissant entre de vieux et de jeunes   Palmiers bonbonne, le Hyophorbe lagenicaulis (L. H. Bailey) H.E. Moore endémique de Maurice. Des Palmiers filiformes et cespiteux, l’un du Mexique appartenant au genre Chamaedora, l’autre de Chine, au genre Rhapis.
        Hymenea courbaril L. est une Césalpiniacée à feuilles bifoliolées, à fleurs ivoire et à fruits ligneux évoquant une glande génitale enfermée dans sa poche scrotale ce qui lui vaut le surnom peu flatteur de Graine Bourrique. Son bois très dur, comparable à l’Acajou, a été recherché pour la menuiserie et la construction navale. De ses branches, de ses racines, de son tronc blessé s’écoule une gomme-résine ou copal qui dissout dans l’alcool donne un vernis pour l’ébénisterie.
        Ces trois Palmistes rouges ou Acanthophoenix rubra (Bory) Wendl. endémiques de La Réunion et de Maurice avaient été étiquetés Palmistes blancs ou Dictyosperma album (Bory) Wendl. tant il est vrai qu’au stade adulte ils ont un petit air de ressemblance, cependant l’examen de leurs fruits montre une nette différence. La cicatrice du style est apicale donc terminale comme on pouvait s’y attendre chez le Palmiste blanc alors qu’elle est latérale   chez le Palmiste rouge. A l’état juvénile, pas de problème : Acanthophoenix porte des aiguillons sur son stipe et ses palmes.
            Endémique de La Réunion, Latania lontaroides (Gaertner) G. Moore a des feuilles juvéniles qui lui ont valu son nom de Latanier rouge. Maurice a une autre espèce appelée Latanier bleu, Rodrigues, la troisième Mascareigne, un troisième Latania appelé Latanier jaune. En dehors de la couleur des feuilles de jeunesse, ce qui est remarquable chez ces trois espèces -- qui se ressemblent à l’état adulte -- c’est l’ornementation différente de leurs graines.
        Bien que Brexia madagascariensis (Lam.) Ker-Gawl soit signalé dans la « Flore des Mascareignes » originaire de Madagascar et des Seychelles, je me souviens l’avoir vu alors que nous traversions à pied l’île Mayotte dans l’Archipel des Comores. Anciennement classé dans les Saxifragacées, Brexia madagascariensis (Lam.) Ker-Gawl est désormais rangé avec le genre Roussea –dédié à Jean-Jacques Rousseau -- dans la petite famille des Bréxiacées.
        Regardez ces Dypsis madagascariensis (Becc.) Beentje & J. Dransf. qui semblent là être deux frères, là trois frères inséparables pour avoir été à si peu de distance.
        Derrière, de jeunes Ceiba speciosa [syn. Chorisia speciosa St Hil], à la tige portant des épines coniques redoutables : des Arbres à clous !
        Un vieux Beaucarnea recurvata Lém. mexicain (désormais une Ruscacée) dont on peut facilement traduire les noms anglais : Ponytail Tree ou Elephant-foot Tree.
        Cassine aethiopica Thunb., le Koo-boo berry ou Bushveld Cherry d’Afrique du Sud offre de petits fruits rouges comestibles alors que son parent Cassine orientalis (Jacq.) Kuntze endémique des Mascareignes, le Bois rouge des Réunionnais ou le Bois d’olive des Mauriciens et des Rodriguais est franchement à écarter à cause de sa toxicité. Comme Evonymus europaeus L. le Fusain d’Europe, une autre Célastracée, il est suspecté être néfaste pour le cœur.
        Delonix regia (Bojer ex Hook.) Raf., le Flamboyant est, originaire de Madagascar. Je pensais que cette espèce partout cultivée dans le monde tropical, avait uniquement un port en parasol. C’est à La Montagne des Français que j’ai eu la surprise de voir plusieurs sujets au houppier triangulaire.
        Schleichera oleosa (Lour.) Oken [syn. S. trijuga Willd.] d’Indo-Malaisie a comme la plupart des Sapindacées des feuilles paripennées et des inflorescences terminales. A examiner ses folioles on peu comprendre qu’on l’ait appelé Chêne de Ceylan. Quant à ses fruits pourvus d’un arille blanc acide, ils sont comestibles ce qui leur aura sans doute valu le nom de Longanis chinois par quelques usagers du Jardin.
        Quant à l’huile extraite des graines elle est d’utilisation traditionnelle en Inde pour traiter l’acné, la gale ou de simples démangeaisons.
        Sa réputation tient surtout au fait qu’elle stimule la croissance des cheveux tout en constituant un agent nettoyant du cuir chevelu.
        Connu sous le nom d'<< huile de Macassar>> Mangkassar étant le nom d'une peuplade des Célèbes - ses premières importations en Europe s’étant probablement produites à partir de l’Archipel Malais, au début du règne de la Reine Victoria.
        L’huile de Schleichera oleosa (Lour.) Oken était inscrite à la Pharmacopée Néerlandaise (IV et Ve éditions). Aujourd’hui cette huile se retrouve dans la composition de shampooings et crèmes nutritives restructurantes pour le soin des cheveux secs.
        Eugenia brasiliensis Lam., le Cerisier du Brésil, une Myrtacée à fruits évoquant par la taille et la couleur des Cerises, mais ayant un autre goût tout à fait agréable.
        De la liane et de l’arbre, un combat inégal pour la photosynthèse semble s’être instauré. La liane à la tige monstrueuse est un Derris, Papilionacée à feuilles imparipennées et à fleurs blanches pourrait contenir des roténoïdes actifs contre les Poux. L’arbre support, aux feuilles digitées, produit de nombreuses petites fleurs malodorantes qui lui ont valu d’être appelé Sterculia foetida par Linné ou Arbre caca par les Réunionnais. Pour les Anglo-saxons il est devenu le Shunk Tree, l’Arbre Moufette, la Moufette étant ce petit Mammifère sud américain qui expulse sur ses agresseurs un liquide infect sécrété par ses glandes anales. Le fruit du Sterculier fétide est un follicule qui évoque à s’y méprendre une vulve d’où un autre surnom local : Tabac de Femme. Vert, rouge puis brun, chaque follicule offre plusieurs graines noires oléagineuses et légèrement purgatives connues comme étant des Olives de Java.
        Deux Mimosacées situées côte à côte.
         Inga laurina (Swart ) Willd, l’Arbre à miel, originaire des Antilles, introduit pour la première fois à Saint-Gilles-les-Hauts sur la propriété Panon Debassayns par Auguste de Villèle. Les fleurs en écouvillons à longues étamines évoquent celles de quelques Myrtacées : Melaleuca, Callistemon…La seule fois où je vis des Abeilles visiter des fleurs dans le Jardin de l’Etat ce fut sur l’Arbre à miel.
        Adenanthera pavonina L., le Bois noir rouge, originaire d’Indo-Birmanie et de Ceylan, est surtout remarqué par ses graines d’un rouge lumineux, utilisées pour faire des colliers. Les visiteurs du Jardin ont raison de se méfier de ces graines écarlates car certaines appartenant à d’autres Légumineuses (Abrus, Erythrina) se sont montrées extrêmement toxiques. Cela ne semble pas être le cas de ces Yeux de Paon puisqu’elles seraient mangées grillées avec le Riz en Guyane ou utilisées comme condiment en Inde sur la Côte de Malabar.
        Mimusops coriacea (DC) Miq., la Pomme Jacot, une Sapotacée à fruits jaunes, riches en amidon, originaire de la végétation littorale de Madagascar. Il faut vraiment avoir faim pour manger de ces baies.
        Tectona grandis L.f., le Teck d’Indochine est presque inexistant à La Réunion. Des trois pieds ici présents, celui qui présente des rejets a souffert d’un cyclone. Je me souviens avoir vu à Java d’importants reboisements en cette essence facilement reconnaissable à ses grandes feuilles (et à ses inflorescences terminales). Cette Verbénacée devrait sa célébrité à son bois réputé incorruptible.
        Aphanamixis polystachya (Wall.) R.N. Parker est une Méliacée originaire de l’Inde et de Ceylan que les Mauriciens appellent Amoora et qui n’a pas été signalée à La Réunion dans la Flore des Mascareignes bien qu’elle y existe par quelques pieds. On remarque surtout ses fruits globuleux qui s’ouvrent par deux ou trois fentes pour montrer trois graines enveloppées dans un arille rouge-orangé.
        Alectryon ferrugineus (Blume) Radlk. est un arbuste de Nouvelle-Guinée qui a la particularité d’avoir des graines noires entourées d’un arille rouge vif qui attire les Oiseaux. Ainsi a-t-il par ornithochorie échappé de l’enceinte du Jardin puisque je l’ai retrouvé dans les fourrés sur la rive gauche de la Rivière Saint-Denis ou sur la colline de La Providence.
        Taraktogenos kurzii King est le Chaulmoogra. Cet arbuste dioïque est célèbre pour son huile séminale qui resta longtemps le meilleur remède capable de traiter les plaies lépreuses.
        Erythroxylon novogratanense (Morris) Hieronymus est un arbrisseau taillé en haies à petits fruits rouges et à feuilles évoquant celles du Cocaïer ou Erythroxylon coca Lam. sans contenir comme ces dernières de la cocaïne en quantité appréciable.
        Ficus microcarpa L.f. est appelé Arbre de l’Intendance. Un Mauricien me fit remarquer qu’il vaudrait mieux le désigner comme étant l’Arbre de l’Intendant Pierre Poivre. Aurait-il été rapporté d’Asie au XVIIIe siècle c’est à dire à l’époque du célèbre Intendant des Isles de France et de Bourbon ? Il ne figure pas en 1825 dans le catalogue de Bréon mais seulement en 1856 dans celui de Richard.
        Ce Figuier aux branches maîtresses subhorizontales est particulièrememt résistant aux cyclones. Les plus beaux pieds couverts d’épiphytes se trouvent devant la mairie de Saint-André.
        Calamus rotang L., le Rotin, un Palmier lianescent et très épineux.
        Ochna ciliata Lam., Ochnacée à fleurs jaunes et à fruits évoquant le Museau de Mickey, originaire de Madagascar et des Comores.
        Un jeune Tallipot ou Corypha umbraculifera L., Palmier originaire du Sud de l’Inde et de Sri Lanka, île dont il est l’emblème. Bien qu’appelé Arbre cent ans, il fleurit et fructifie une seule fois entre 30 et 70 ans, puis meurt (monocarpie).
        Bombacopsis glabra (Pasq.) A. Robyns, le Pistache-arbuste ou Pistache malgache est en fait une Malvacée (ex Bombacacée) originaire du Mexique à la Guyane et du Nord du Brésil qui laisse échapper de sa capsule (en forme de cabosse), s’ouvrant par cinq valves, des graines que l’on peut manger crues ou grillées. Outre-Atlantique cet arbuste de la famille des Baobabs est appelé Noisetier de la Guyane, Châtaignier de Cayenne, Cacaoyer rivière, Cacao sauvage.
        Il arrive que les feuilles d’Eucalyptus ne sentent pas que le « cinéole » ou « eucalyptol » comme chez Eucalyptus globulus Labill. cultivé sur le littoral méditerranéen. Vous avez là Eucalyptus citriodora Hook à l’huile essentielle riche en « citronellol » et « citronellal », donc qui sent le Citron.
        Albizia saman (Jacq.) F. Muell. est une Mimosacée, à longues étamines rose pâle en éventail originaire d’Amérique tropicale. Je fus surpris quand près de la Direction de l’Agriculture et de la Forêt où un gros pied existe aussi on me le désigna comme étant un Bois noir de France. Ses gousses contiennent un parenchyme sucré qui a le goût du pain d’épice : est-ce pour cela que j’ai trouvé dans la littérature le nom d’Arbre à confiture ? Son bois durable et de belle finition a servi à faire les boiseries de l’aéroport de La Dominique. Julien Potier l’a introduit dans notre île en 1881.
        Berrya cordifolia (Willd.) Burret à des fruits se divisant en trois valves portant chacune deux ailes. C’est une Tiliacée originaire de l’Inde, de Malaisie et de Polynésie.
        Peltophorum pterocarpum (DC) Heyne est une Césalpiniacée à fleurs jaunes originaire d’Australie et d’Asie tropicale. Un pied d’une vingtaine de mètres de haut existait dans ma résidence. Je l’ai vu cassé comme un fêtu de paille après le passage d’un cyclone.
        Hyophorbe verschaffeltii H.Wendl., endémique de Rodrigues  est le Palmiste marron des Rodriguais, le Palmiste bouteille des Réunionnais. Il est devenu ces quinze dernières années très utilisé pour l’ornement sur notre île.
        Diospyros philippensis (Desr.) Guerke, Ebénacée originaire des Philippines, est à La Réunion le Mambolo ou Caca Chatte. Ses fruits veloutés comme une Pêche, bien qu’ayant une petite odeur, ne sont pas désagréables à manger.
        Une allée bordée par Hymenea courbaril L. le Graine bourrique et Heritiera littoralis Aiton. Sur la pelouse des fruits de Heritiera littoralis Aiton appelé Toto-Margot  flotteraient s’il y avait de l’eau. Ces diaspores sont d’ailleurs dispersées par les courants marins, ce qui fait que cette Malvacée (ex Sterculiacée) est un arbre de bord d’océan, de mangrove ou de submangrove (comme la partie aval de l’Etang de Saint-Paul).
        A gauche de La Fontaine de Paris, Pandanus utilis Bory , un Vacois probablement endémique des Mascareignes.
        A droite de la plaque commémorative des 3èmes Floralies de l’Océan Indien (2 octobre 1987), un gros pied de Tabebuia pallida (Lindl) Miers. Cette espèce n’a pas de nom vernaculaire courant à La Réunion. Un jour un élève me l’a désignée dans son herbier sous un nom insolite : Tête Comore. Cette Bignoniacée originaire des Antilles y est appelée Poirier.. C’est pour les Seychellois le Calice du Pape. J’ai vu qu’ils utilisaient son bois pour construire leurs maisons, leurs bâteaux. Son bois de cœur est rose pâle.
        D’après un botaniste de Calcutta, ce Palissandre ou Bois de rose n’est pas Dalbergia sissoo Roxb. mais Dalbergia latifolia Roxb. une autre Légumineuse indienne.
        Un jeune Giroflier ou Syzygium aromaticum (L.) Merr. et Perry qui rappelle le fait qu’un premier pied de cette épice originaire des Moluques fut envoyé par Pierre Poivre de l’Isle de France à son ami Joseph Hubert (1747-1825) habitant de Bourbon..
        Arenga pinnata (Wurm.) Merr., un Palmier à sucre. La sève qui s’écoule de ses jeunes inflorescences mâles renferme environ 15% de saccharose. Ce Palmier d’origine malaise se reconnaît à ses longues feuilles pennées et à ses fruits jaunâtres, caustiques, au point qu’ils ont provoqué des brûlures très douloureuses à ceux qui les ont mordu.
        Contrairement à la plupart des Palmiers qui ont une sexualité basifuge, celle d’Arenga pinnata (Wurm.) Merr. est basipète : les premières inflorescences apparaissent chez l’adulte au sommet du stipe, les dernières à sa base.
        Barringtonia asiatica (L.) Kurz. et Terminalia catappa L., tous deux arbres de bord d’océan et tous deux à grandes feuilles ne doivent pas être confondus même s’ils ont en commun d’avoir leurs semences dispersées par hydrochorie c’est à dire par les courants marins. Barringtonia asiatica (L.) Kurz. est le Bonnet de Prêtre ce qu’évoque la forme carrée de ses fruits. Terminalia catappa L. est le Badamier, les enfants mordant aussi bien dans sa pulpe légèrement sucrée que consommant l’amande après avoir fracturé le tissu natatoire ; cet arbre à contreforts est d’ailleurs aussi appelé Indian Almond, Amandier indien.

3. Pour conclure

Bien que surtout attachés aux noms scientifiques, je suppose Mesdames et Messieurs que vous aurez retenu quelques noms communs et quelques détails concernant les descriptions et les usages de ce qui aura surtout été une rencontre avec les arbres du Jardin du Muséum d’Histoire Naturelle, Muséum qui maintenant va vous permettre de découvrir la biodiversité à travers le monde des Oiseaux.

4. Courte bibliographie

- Bréon, N. (1825) -- Catalogue des plantes cultivées aux jardins botanique et de naturalisation de l’île Bourbon. Saint-Denis, Ile Bourbon. De l’Imprimerie du Gouvernement. 93 p.
- Fourasté, I. – Le Macassar, Schleichera trijuga Willd., Sapindaceae. Institut Klorane. Pierre Fabre. 12 p.
- Lavergne, R. (1980,1981,1982,1983, 1990) – Fleurs de Bourbon. Dix volumes. Editions Cazal. 2655 p.
- Lavergne, R. (1992) – Un circuit d’interprétation du Jardin de l’Etat. Conseil Scientifique du Jardin de l’Etat. Conseil Général. 36 p.
- Lavergne, R. (inédite) – Florule des Palmiers du Jardin de l’Etat. 42 p.
- Richard (1856) – Catalogue du Jardin de La Réunion. Typographie de Lahuppe, imprimeur du Gouvernement. 114 p.

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